Qu’est-ce que l’aliénation parentale ?
Comment la détecter et la traiter ?
Quels sont les symptômes ?
Que faire ?
Quels recours ?
L’aliénation parentale est un phénomène dans lequel un des parents, par ses comportements aliénants, influence l’esprit de l’enfant afin de favoriser chez lui le rejet injustifié de l’autre parent. C’est une des formes les plus graves de violence psychologique conjugale post-séparation.
Elle peut avoir pour cause le comportement des mères comme des pères, même si ces derniers en sont plus souvent victimes (les études parlent de pères victimes dans 2/3 des cas).
Lorsqu’on subit l’aliénation parentale au terme d’une séparation conflictuelle, souvent, par ricochet, les pères privés abusivement de leur enfant par la mère, on se pose plusieurs questions. Peut-on porter plainte ? Comment le prouver ? Quelles sont les conséquences, les sanctions ? …
Les cas d’aliénation parentale peuvent entrer dans la définition de certaines infractions pénales. L’article 222-14-3 et l’article 222-33-2 et suivants du Code pénal qui visent les maltraitances, violences psychologiques et harcèlement peuvent servir de support au dépôt d’une plainte. Le problème majeur restera la constitution de preuves. La question de l’opportunité de la voie pénale devra se poser dans le cadre d’une stratégie globale afin de protéger l’enfant mais également le parent, victime par ricochet.
La Justice civile a parfois à examiner ce type de problématique. Elle reconnaît assez rarement ce syndrome qui a fait l’objet de nombreuses controverses.
L’objet ici est de vous donner un témoignage, un exemple de Jurisprudence d’aliénation parentale, un cas concret que j’ai pu traiter en tant qu’avocat et qui démontre à la fois la difficulté de ce genre d’affaire mais également l’issue favorable qu’il peut y avoir si on mène le combat de façon déterminée.
Syndrome d’aliénation parentale : la séparation des parents
Je vous expose le cas de Monsieur Philippe DURAND et Madame Clarisse DUPONT (noms et prénoms fictifs), parents du petit Jordan (prénom fictif), âgé de 6 ans lors de la séparation de ses parents.
Après la séparation, la communication entre les parents était bonne et ils arrivaient à s’entendre sur les droits de chacun sur Jordan et celui-ci entretenait alors des relations régulières avec son père en le voyant un week-end sur deux, et parfois, en semaine.
Afin de fixer judiciairement les droits de chacun des deux parents sur l’enfant, le père, par mon intermédiaire, demandait au Juge que la résidence de Jordan soit fixée chez la mère et qu’il puisse avoir l’enfant un week-end sur deux et également en milieu de semaine.
Mme DUPONT était globalement d’accord sur cette demande. La seule opposition entre les parents, à ce stade, résidait dans les droits du père de milieu de semaine car la mère s’y opposait.
Il y a donc eu un débat sur ces droits de milieu de semaine mais, jusque-là, tout semblait relativement classique et sans complication particulière.
La rupture des liens père / enfant
Brusquement, alors que la procédure était toujours en cours, Mme DUPONT bloquait toutes les relations entre le père et Jordan, ce qui était un premier indice d’aliénation parentale mais insuffisant à ce stade pour la caractériser.
Le père était plongé dans un désarroi total.
On pouvait encore penser que la perturbation était temporaire et que les relations père – enfant allaient reprendre. En réalité, le temps passait et le père ne pouvait toujours pas voir son fils.
Ce revirement d’attitude de la mère était surprenant et inexplicable.
J’interrogeais alors la mère pour connaître les motifs de cette opposition et lui demandais qu’on rétablisse immédiatement un droit de visite au père.
Mme DUPONT me répondait qu’elle s’opposait désormais à tout droit de visite du père dans la mesure où il constituait un danger pour l’enfant car le père conduisait souvent son véhicule, en étant alcoolisé, avec l’enfant en passager et qu’il avait été, en outre, à plusieurs reprises, menaçant envers elle.
M. DURAND était extrêmement surpris par ces accusations. D’une part, il les contestait et, d’autre part, il ne comprenait pas que cet argument soit présenté à ce stade alors que la mère avait été d’accord pour la mise en place d’un droit de visite et d’hébergement à son profit pendant plusieurs mois après la séparation.
Cette justification apparaissait donc irrationnelle et seule la volonté de la mère de rompre les liens entre le père et l’enfant semblait expliquer cette position.
Dès lors, nous pouvions sérieusement nous interroger quant à l’existence d’une aliénation parentale en raison de la rupture des relations de l’enfant avec le père, des fausses accusations, et de l’argumentation irrationnelle de la mère.
La demande d’ordonnance de protection
Mme DUPONT choisissait d’engager une deuxième procédure, parallèle, à savoir une requête pour obtenir une ordonnance de protection.
Il s’agit d’une procédure spécifique pour éloigner le conjoint violent, procédure particulièrement utile et protectrice pour les victimes de violences conjugales.
Mme DUPONT évoquait les menaces du père ainsi que son comportement dangereux pour demander l’autorité parentale exclusive sur l’enfant, l’interdiction du père de rencontrer la mère et l’enfant et lui interdire de se rendre à l’école de l’enfant.
En conséquence, je mentionnais expressément le syndrome d’aliénation parentale dont était victime l’enfant et par ricochet, le père.
Mme DUPONT s’appuyait sur des plaintes, des courriers, des constats d’huissier et attestations qui, selon elle, établissaient l’existence de menaces de mort du père à l’encontre de l’enfant et de sa mère ainsi que son comportement dangereux au volant.
Les éléments présentés par la mère étaient riches d’enseignements.
D’abord, dans aucune des pièces produites par la mère, on ne pouvait constater une quelconque menace, ni de danger. Au contraire, on voyait un père en grande souffrance d’être privé de toute relation avec son enfant, et toujours maître de lui dans ses propos. Ces accusations étaient alors clairement diffamatoires.
Ensuite, Jordan parlait de son père de manière particulièrement manichéenne. Il le présentait comme le mal incarné alors qu’aucun élément du dossier ne permettait de remettre en cause l’image d’un père aimant et équilibré.
Enfin, le positionnement de l’enfant par rapport à son père était également irrationnel. Il appelait son père par son prénom, niant par la-même le lien père / enfant dans le discours adressé à la mère.
Jordan employait d’ailleurs des mots pour qualifier son père qui n’appartenait pas au vocabulaire d’un enfant de son âge. Ces mêmes mots étaient employés par la mère de sorte qu’on pouvait vraiment s’interroger sur la manipulation de la mère qui aurait « placé » ces mots dans la bouche de l’enfant.
Quant à la mère, elle se réfugiait derrière la volonté de son fils qui disait ne plus souhaiter voir son père.
Or, si l’on peut comprendre qu’il soit difficile de convaincre un adolescent de 17 ans d’aller voir son père si l’enfant y est farouchement opposé, un tel raisonnement est bien évidemment plus difficilement compréhensible lorsqu’il s’agit d’un enfant de 6 ans.
Tous ces éléments étaient particulièrement symptomatiques des cas d’aliénation parentale.
Finalement, le Juge estimait qu’il n’y avait aucun danger pour la mère ou l’enfant et rejetait la demande de la mère. Mme DUPONT faisait appel de cette décision et était une nouvelle fois déboutée en appel.
Syndrome d’aliénation parentale : l’intervention du Juge des enfants
Dans le même temps, dans la mesure où je considérais que l’enfant était en danger, je saisissais le Juge des enfants et une mesure d’investigation éducative était ordonnée afin que des professionnels de l’enfance évaluent la situation et déposent un rapport au juge des enfants pour l’éclairer sur la décision à prendre.
La demande en urgence du père
En raison du blocage total de la mère sur les droits du père, je demandais également au Juge de rétablir d’urgence des droits au profit du père, un week-end sur deux afin de préserver la relation du père avec l’enfant.
J’évoquais tous les éléments caractéristiques d’aliénation parentale qui se sont révélés au cours des différentes procédures ainsi que l’impact destructeur que cela pouvait avoir sur Jordan et la souffrance que cela engendrait également pour le père.
Le Juge estimant que la situation était complexe, ordonnait une expertise psychologique de l’enfant et des parents et, en attendant, fixait un droit de visite au père dans une association, à raison de quelques heures par mois !
Dénouement devant le Juge des enfants
Le rapport d’investigation éducative ordonné par le Juge des enfants et le rapport du psychologue ordonné par le Juge des référés étaient déposés.
Le rapport de fin de mesure indiquait que la mère manipulait véritablement son fils, instrumentalisait l’enfant, adoptait un comportement d’aliénation parentale mais ne proposait pas le placement de l’enfant chez le père.
Le second rapport, celui de l’expert psychologue, faisait état de pressions majeures exercées par la mère sur l’enfant, de l’aliénation maternelle, du fait que l’enfant n’avait pas la possibilité de se construire de manière structurée et saine et proposait un transfert de résidence chez le père.
Au vu de ces deux rapports, je sollicitais le Juge des enfants afin qu’il place immédiatement l’enfant chez le père avec instauration d’un droit de visite en lieu neutre pour la mère, sous la surveillance de professionnels et sans possibilité de sortie.
Je demandais également l’instauration d’une mesure d’assistance éducative afin qu’il y ait un accompagnement de l’enfant et des parents.
Le Juge des enfants faisait droit à mes demandes et plaçait immédiatement Jordan chez son père avec doit de visite pour la mère en lieu neutre et sous surveillance ainsi qu’une mesure d’accompagnement éducatif en reconnaissant expressément le comportement d’aliénation parentale de la mère.
Les cas d’aliénation parentale sont souvent complexes. La difficulté réside dans la preuve de son existence et cela met parfois du temps pour l’établir.
Il faut être attentif aux symptômes d’aliénation parentale et savoir les identifier. Il faut aussi solliciter et s’appuyer sur les différents professionnels qui vont fournir des éléments précieux qui pourront ensuite être mis en valeur auprès du Juge pour l’éclairer dans sa prise de décision.
Dans cette affaire, on remarquera que chaque acteur du monde judiciaire a joué un rôle dans la manifestation de la vérité et dans la protection de l’enfant, qu’il soit juge, avocat, expert psychologue ou bien éducateur.
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